ALERTE SPOILER
(avoir vu le film Barbie avant de lire cet article)
Bonjour bonjour ! On se retrouve cette semaine pour notre merveille n°1, et il s’agit du film... Barbie. J’aurais pu commencer avec l’Étranger de Camus ou Cyrano de Bergerac, mais non. Notre Boîte prendra tout d’abord une couleur rose pétante, ne mettra que des talons, et n’aura jamais les cheveux mouillés.
Le film s’ouvre sur des images de petites filles jouant avec de simples poupons lorsqu’une Barbie géante apparaît. Salvatrice. Ces fillettes, condamnées à jouer les rôles de mères et de nourrices, aspirent maintenant à devenir comme cette femme. Belle. Souriante. Et Star de Barbie Land.
Nous entrons alors dans un univers parallèle. Rose. Très rose. Un univers où tous les jours sont identiques. Parfaits. Nous relevons certains détails assez amusants : tout le monde marche sur la pointe des pieds, on ne descend jamais les escaliers, et l’on boit sans toucher le verre des lèvres. Les habitants de Barbie Land sont majoritairement des femmes. Elles occupent tous les postes de la ville (gouvernantes, ouvrières, docteures, etc.), et au sein de celles-ci nous suivons Margot Robbie, allias Barbie Stéréotype.
Dans ce monde où rien ne dépasse, où les femmes règnent, et où les hommes sont réduits à des Ken cherchant désespérément l'approbation des Barbie, tout semble aller pour le mieux. Mais soudainement, au cours d'une soirée dansante, Barbie demande :
“Avez-vous déjà pensé à la mort ?”
À partir cet épisode, la vie idéale de Barbie semble s'effondrer. Celle-ci se réveille fatiguée. Ses pieds s'aplatissent. Et elle a même de la cellulite. Pour comprendre les raisons de son dysfonctionnement, Barbie est forcée de se rendre dans le vrai monde. Notre monde. À défaut de lui donner le choix entre une pilule bleue et une rouge, c'est entre des talons et des Birkenstock roses qu'elle doit choisir. Rester à Barbie Land ou rejoindre la Terre ? Et bien ce sera les Birkenstock !
Se dresse, à son arrivée dans le vrai monde, un contraste radical entre Barbie Land et notre société. Matriarcat d'un côté, et patriarcat de l'autre. Ken est aux anges. Cet univers centré autour des hommes semble lui offrir une infinité de possibilités. Il n’arrive néanmoins pas à trouver d’emploi très facilement. (Alors ce monde… il ne serait pas si simple pour les hommes non plus ?)
À la recherche de l’enfant dont elle est le jeu, Barbie se retrouve face à une table d’adolescentes qui ne l’admirent pas du tout. Cette scène est aux antipodes de celle qui ouvre le film. Barbie pense être un modèle d’émancipation pour ces jeunes femmes. Elle explique qu’elle est beaucoup plus que ce qu’on l’on pourrait croire, qu’il y a Barbie présidente, astronaute, prix Nobel, etc. Cependant, elle reste une simple Barbie stéréotype aux yeux de ces adolescentes, un stéréotype auquel elles n’aspirent en aucun cas.
Barbie, décontenancée, est alors rattrapée par les agents Mattel venus pour la renvoyer dans son monde. Elle parvient à échapper à cette horde d’hommes (car oui, paradoxalement, le conseil d’administration de Mattel n’est composé que d’hommes…) et se retrouve nez à nez avec Gloria et sa fille Sasha.
Barbie comprend alors la raison de son dysfonctionnement : Gloria, une mère détestée par sa fille et s’ennuyant au travail, a récupéré le jouet de son enfant afin de se remémorer de bons souvenirs. Et elle a, dans le même temps, transmis ses inquiétudes à Barbie. (Les parents aussi auraient besoin de légerté, besoin de jouer, besoin de stimuler leur imagination ?)
Par la suite, notre nouveau trio (Barbie, Gloria et Sasha) décide de retourner à Barbie Land. À la surprise de tous, Barbie Land se fait maintenant appelé Kendom Land. Un monde où les Ken (et les chevaux) sont rois. Comment unir à nouveau les femmes et changer cela ?
Barbie semble baisser les bras. Gloria, quant à elle, déverse la colère qu'elle ne peut plus contenir : je suis fatiguée de cette société. Il faudrait être belle, mais sans être trop belle. Manger sain, mais ne surtout pas dire que l’on veut maigrir. Imposer ses idées, mais sans trop imposer ses idées. Etc.
Ce parfait équilibre est impossible à atteindre. Et ce discours, c’est l’arme que les Barbie vont utiliser afin de s’unir contre les Ken. En parlant ainsi à chaque Barbie, Gloria leur ouvre les yeux et les rallie à sa cause : elles n’ont pas à accepter ce monde patriarcal.
La stratégie mise en place est simple : afin de renverser les Ken, il faut les amener se battre entre eux. Elles décident de les rendre jaloux les uns des autres, et bientôt, la guerre est déclarée. Arc, flèches et pistolets en plastiques sont de sortie.
Est-ce qu’on pourrait voir ici une réflexion sur le penchant des hommes à faire la guerre ? Les rivalités entre eux sont si fortes qu’ils finissent toujours par se tourner les uns contre les autres ? Et le concept de guerre alors ? N’est-il pas ici tourné en dérision ?
Ce combat entre les Ken est heureusement de courte durée. Ces derniers accourent demander le pardon des Barbie qui ont maintenant repris le pouvoir. Mais ils demandent à avoir, eux aussi, des responsabilités au sein de la ville.
La fin de Barbie nous propose une réflexion sur ce que serait la société idéale. Une société où chacun trouverait sa place. Où chacun serait utile et pourrait développer son potentiel. Barbie et Ken demeureraient ensemble et ils ne seraient pas réduits à leur simple statut de petit ami et petite amie. Chacun se définirait par ce qu’il est. Singulier. Unique. « Ken is… me. », s’écrit Ken. Car oui, il est lui. Tout simplement. Bien trop complexe pour être réduit à une seule chose.
Alors que l’on s’attend à une fin banale où Ken et Barbie partageraient une maison, auraient de nombreux enfants (autant de garçons que de filles bien sûr), auraient le même salaire, et où tout dans la ville serait bleu et rose à part égale, la Créatrice de Barbie entre en scène et apporte son aide.
En effet, Ken a bénéficié de son Happy Ending (il a trouvé sa place au sein de son monde, et peut exister par lui-même, sans chercher à tout prix l’approbation de Barbie).
Mais, et Barbie ? Qu’en est-il de la fin de son histoire ?
Silence. Étrange malaise.
Les fins de film sont souvent extraordinaires, dans le sens où tout s’emboîte, tout fait sens, il n’y a pas de place au flottement. Ici, on est confronté à une scène de doute. Barbie ne sait pas quoi faire. Elle ne veut plus être une Barbie stéréotype…
Pourrait-elle devenir ordinaire ?
Devenir ordinaire ? La Créatrice est surprise par une telle demande. Elle lui accorde son souhait à condition de lui montrer ce que cela signifie, être une femme ordinaire, être humaine. Prenant sa main, elle lui transmet des bribes de sa vie. Nous voyons défiler des images du quotidien : un bébé se faisant bercer, une enfant qui joue, puis une adolescente, une femme, ses enfants, ses petits-enfants. On distingue des rires. Des sourires. Des accolades. Des mouvements qui se mêlent en tout sens. Un condensé de vie.
C’est alors que Barbie s’écrit :
« Oui »
Oui, je le veux. Être moi aussi, une humaine.
Je veux vivre.
Il ne s’agit pas ici d’une union entre un mari et une femme.
Il s’agit d’une union entre une femme et sa vie.
Une plus belle fin était-elle possible ?
Barbie a bien conscience que les choses ne seront plus jamais comme avant. Mais tant pis. Car tout ce qu’elle désire à cet instant, c’est de vivre. Respirer. Frémir. Ressentir.
Barbie, bienvenue parmi nous.